Le coeur d'Agadez

L'une des rares femmes diplômées de l'équivalent nigérien de l'ENA, Alitane, maire d'Agadez jusqu'en 2004, commune de 100 000 habitants, a géré sa ville avec rigueur et générosité. Son salaire, elle le distribue aux nécessiteux, quant à sa maison, elle reste toujours ouverte.

 

Alitane

Elle est née vers 1960, dans le désert du Ténéré, au sein d'une famille de Touaregs. Quarante ans plus tard, elle préside aux destinées de la ville mythique d'Agadez, dont elle a été nommé maire il y a près de trois ans. Mme Ibrahim Zara el Hadj el Mamadou, dite Alitane, est venue à Paris suivre une formation sur la décentralisation à la Banque mondiale, et chercher des bienfaiteurs pour sa ville, carrefour caravanier depuis le premier millénaire avant notre ère.
Hiératique, vêtue et coiffée de parures sublimes, l'élue ne passe pas inaperçue. Derrière cette façade de féminité se cache une dame de fer, militante de toujours, au service de la cause féministe, syndicale puis touareg, au plus fort de la rebellion sanglante qui s'est achevée en 1996. Aujourd'hui, après des années de combat en faveur des minorités, elle assume le pouvoir au niveau municipal, sous la bannière de son nouveau parti, la CDS (Convention démocratique et sociale). Son ambition pour Agadez tient en trois obiectifs . " Une mairie modèle sur le plan de la gestion, une ville Propre, des perspectives de développement pour les femmes et les jeunes". Une partie de ce programme a été réalisée . les fonctionnaires sont payés, la corruption bannie, des aides extérieures ont été obtenues pour lancer le chantier d'assainissement de la ville. " Dans toutes les organisations où j'ai milité, on m'a toujours nommée trésorière ou commissaire aux comptes ", se souvient-elle tout sourire.
La cité de l'Aïr est la ville du Niger qui s'urbanise le plus vite. A l'image du pays, l'un des deux plus pauvres du monde, elle est confrontée à de cruciaux problèmes de dénuement, la désertification poussant vers la belle cité ocre toujours plus de nomades orphelins de leurs troupeaux. Agadez a bien rêvé d'un essor touristique mais l'aéroport fermé, pour cause de réfection des pistes, elle reste à quinze heures de voiture de Niamey.
Si les moyens financiers d'Alitane sont modestes, elle exerce le pouvoir avec fermeté et dans la concertation. La coalition hétéroclite de ses partisans réunit son oncle le sultan d'Agadez, les associations de femmes, les syndicats et les leaders de la communauté touareg. Sa popularité repose aussi sur son hospitalité . la porte de sa maison est toujours ouverte. Du matin au soir, elle écoute les doléances et les prières de centaines de pauvres, d'aveugles, de vieillards, venus quêter un service, une aide, quelques francs. Inlassablement, elle distribue son salaire de haut fonctionnaire en menus billets. La fortune, Alitane s'en moque. Se méfiant des dangers du pouvoir, elle a donné une consigne à toute la famille. " On continue de vivre comme avant, de manger la même chose, de s'habiller pareil. "Ainsi, lorsque tout s'arrêtera, elle n'aura pas à changer de train de vie. Sa fille unique, âgée de 20 ans, vit avec son mari. Mais madame la maire compte encore de nombreux parents à sa charge. Son logement de fonction, une grande maison de terre ocre, abrite plus de trente personnes. Le salon de réception sert aux hôtes de passage. Avec son mari (le troisième), Alitane s'est donc repliée dans la loge du gardien, seul refuge à son intimité, où la surprend parfois la nostalgie de la vie nomade.
Enquête Nathalie PREVOT
En 2004 des élections démocratiques ont élue ALITANE Première adjointe au nouveau maire d'Agadez
Elle est toujours aussi solidaire de la cause des femmes

 

 

 

Madame SADA ALBACHIR, 36 ans, 3 enfants de 19,15 et 11 ans,
Infirmière certifiée, a travaillé à l'hôpital d'AGADEZ pendant 14 ans dont 7 ans à la maternité.

En 1996,a travaillé avec "Care International" (ONG Américaine) était agent d'appui pour une campagne de vaccination a passé 8 à 9 mois en brousse: a vu la souffrance des femmes en brousse : Infections, anémies, paludisme, manque d'hygiène par manque d'eau.
En 1998, a rencontré une ONG allemande :"Parned International": Un pharmacien a demandé comment ces gens pouvaient recevoir les premiers soins; c'était en pleine rébellion des Touaregs, certains n'avaient pas vu un médecin depuis 10 ans.
Parned a financé la formation de 20 secouristes et de 20 matrones en brousse, que SADA a formé elle même.
Elle a ensuite rendu un rapport d'activité détaillé et réaliste de la situation des populations; Parned a été ébranlé et a reconduit cette action. 20 secouristes et matrones ont eux aussi eu droit à une formation.
Madame SADA EL BACHIR a alors pris conscience de l'importance de la santé des femmes pour un peuple, donc de leur reconnaissance, et a voulu donner une réflexion internationale à son action. 1998: Elle se rend au Maroc où elle participe à la création de l'Organisation des Femmes Autochtones d'Afrique (OAFA) dont le bureau est au Keny.a
Elle a décidé de continuer son travail de formation et d'information des femmes et a commencé a demander elle même des subventions aux organismes internationaux, sans être dépendante des organismes dits "Aide Humanitaire" sur place.
On lui a alors conseillé de se constituer en association, ce qu'elle a fait et c'est ainsi que TUNFA est née…

 

TUNFA

 

Elle a alors fait une demande de financement au FSD, Fond Social de Développement, par l'intermédiaire de l'ambassade de France au NIGER.
L'association Aide Médicale Internationale a alors diligenté une sage-femme qui a soutenu dans un premier temps l'équipe de la maternité d'AGADEZ puis a donné un soutien technique à TUNFA pour la formation des matrones. Une cinquantaine de matrones ont ainsi pu recevoir une formation ces 2 dernières années dans 5 aires de santé : IN'GALL-ADERBISSINAT-EGANDAWEL-EL MIKI- TCHIROZERINE.
En fait, ce sont surtout les qualités humaines et le grand sens de l'initiative de sa présidente Madame Sada ALBACHIR qui ont permis à TUNFA de continuer son action.
En effet, lorsqu'elle apprend que 2 femmes ghanéennes enceintes sont emprisonnées à la prison d'AGADEZ, Sada demande à les rencontrer, les soutient pour l'accouchement et leur apporte aide et réconfort pendant tout leur séjour.
CARITAS International apprend cette action et contacte Madame Sada AL BACHIR, celle ci peut alors expliquer le contenu de son projet.
Un financement FAC (Fond d'Action Coopération-Français) leur est alors alloué leur permettant de former 20 matrones et 65 secouristes sur une période de 9 mois.
D'autre part, un grand rassemblement de pasteurs Peuhls a lieu chaque année à la saison des pluies vers In'Gall, la "cure salée". Les Peuhls sont un peuple semi-nomade échappant facilement aux institutions et à leurs services, aussi avait-on découragé les animatrices de TUNFA de se rendre à cette manifestation. Elles pensaient au contraire que les femmes Peuhles seraient heureuses que d'autres femmes de leur pays s'intéressent à elles et leur apportent aide et conseils dans le domaine de la maternité et des soins aux enfants.
Sans soutien et sans aide , elles se sont donc rendues une semaine à cette manifestation et les contacts avec les populations ont été enrichissants, très bien perçus .
Tunfa s'enrichit ainsi des connaissances et des vécus des femmes de culture différentes peuplant le Niger, leur pays, et c'est une preuve de plus de leur grand humanisme et de leur sincérité dans leur désir d'agir à la promotion de la Femme Nigérienne, quelle que soit son origine.
Le 13 Mai étant la Journée Nationale de la Femme au NIGER, la participation de l'association a été sollicitée par le service du développement social: Toute l'équipe s'est déplacée l'an dernier et a pu projeter à plus de 150 femmes des films de sensibilisation sur la maladie du SIDA et d'information sur l'importance des consultations prénatales.
Il va sans dire que toutes ces actions sont entièrement bénévoles.
AGTZ, une ONG allemande a organisé un rassemblement de toutes les femmes de toutes les régions de l'AÏR l'an dernier et la réputation de TUNFA localement est telle qu'elles ont été sollicitées pour assurer le contact et la sensibilisation aux problèmes spécifiquement féminins.
Un groupe de jeunes filles a demandé une information sérieuse sur le SIDA. Encore une intervention qui s'est bien déroulée.
Dernière activité en date : Leur participation en Décembre 2001 à la campagne mondiale de lutte contre le SIDA.

Enfin, grâce à une bonne gestion des financements et aussi des cotisations des adhérents, TUNFA a pu engager une infirmière, Mademoiselle SAFIA AGHALI et un infirmier.
Mademoiselle Safia AGHALI déploie au quotidien des trésors d'intelligence et de compétence, son dynamisme et son enthousiasme forcent l'admiration…
Outre de participer aux actions en brousse, dans les campements, décrites plus haut, elle a engagé un travail au quotidien avec la population d'AGADEZ même:
Chaque matin, elle anime des causeries avec les femmes dans les quartiers, soit chez le chef de quartier, soit chez une femme leader. Le thème de ces causeries est différent chaque mois: allaitement, suivi de la grossesse, hygiène de vie, accouchement etc….
Elle s'exprime d'autre part régulièrement sur la radio locale dont on sait qu'elle est très écoutée par les femmes restant au foyer, qui sont 90% des femmes Nigériennes
La télévision est encore très peu répandue dans les maisons.
S'inspirant de sketches développés en Côte d'Ivoire ou au Burkina Fasso, Safia fait elle même toute la retranscription afin d'adapter le scénario à la réalité des femmes Touarègues, et entraîne la journaliste qui la reçoit à poser les questions ou à jouer le rôle permettant de passer le message.
Enfin, une fois par semaine, Mademoiselle Safia AGHALI donne des cours aux jeunes filles du collège d'AGADEZ:éducation sexuelle, dangers de l'avortement provoqué, intêret d'un suivi en cas de grossesse, prévention du SIDA et autres maladies sexuellement transmissibles, contraception etc…tous ces thèmes sont abordés et discutés avec les jeunes filles.
Enfin, Safia tient une permanence au siège de l'association , un petit local dans le centre ville d'AGADEZ, les mercredi et Jeudi après midi ou elle reçoit un public de femmes et d'hommes de tous ages et , à la demande, leur diffuse des cassettes vidéo sur le SIDA, la Maternité sans risques etc…ou si besoin discute avec eux de leurs problèmes.
Lorsque je suis passée à la permanence en Mars, une jeune fille était là et revoyait les notes qu'elle avait prises lors du passage de Safia au collège afin de pouvoir jouer le role de "personne relais" lors du retour dans son village natal pendant les grandes vacances.
On voit que TUNFA sait tirer partie de toutes les forces vives de la population et encourager les jeunes à prendre le relais de l'éducation sanitaire.
Parallèlement, l'infirmier a réalisé une enquête sur le comportement et les attitudes de la population face à la sexualité et à la contraception, de ces contacts se sont constitués des "FADA", ou groupes de jeunes gens qui, réunis par quartier, se rencontrent le soir à partir de 19h autour d'un thé.
Ces actions sont interrompues depuis 3 ans faute de financements.

La vie de TUNFA
Madame SADA ALBACHIR, bien intégrée dans son milieu social, a su motiver les personnes un peu solvables de son entourage et les rallier à sa cause.
C'est ainsi qu'une cotisation annuelle est versée par 50 femmes et quelques hommes, habitants d'AGADEZ, pour soutenir le projet.
Les fonctionnaires se sont engagés à verser 5000FCFA ( 50 anciens FFF) par an et les femmes au foyer 2500FCFA (25 anciens FFF).
Bien sur, comme chez nous, il faut toujours les relancer, mais…quelle victoire!.
Dans un pays où le taux de chômage est extrêmement élevé, où les salaires sont incroyablement bas - un médecin gagne 100 000francs CFA, soit 1000 anciens FF soit 152 euros, une sage-femme moitié moins , les enseignants également, alors qu'un logement "en dur" coûte en moyenne 40 000 à 50 000 FCFA par mois - autant dire que la plupart des fonctionnaires n'ont pas les moyens de se loger décemment…..il faut saluer la performance de TUNFA qui arrive à être tellement crédible auprès de sa population qu'elle récolte des adhésions non seulement d'estime mais aussi financières…
TUNFA vit toujours en dépendance de financements extérieurs (salaires des infirmiers, du gardien du centre, eau, électricité du centre, salaire du chauffeur et entretien du véhicule lors des campagnes en brousse etc...) et sa survie est toujours à rediscuter.
On a vu que ses membres exceptionnels n'hésitent pas à faire du bénévolat chaque fois que nécessaire, mais les indispensables formations dans les campements, les interventions à la radio et dans les collèges, les permanences hebdomadaires, les animations de quartier ne pourront survivre que si cette association reçoit d'autre subventions lui permettant de continuer ses projets, d'en initier d'autres(et les besoins sont grands…) et d'en rémunérer justement ses animateurs.
Mais le bénévolat ne peut être constant, il est urgent que les bailleurs de fonds redonnent de l'oxygène à ces associations locales, qui ont les meilleurs atouts pour aider à la promotion et à l'éducation des femmes du Niger.
Contacter SADA ALBACHIR : BP N° 58 - AGADEZ- REPUBLIQUE DU NIGER
tél. 00227-98-30-71 E-mail : sadaalbachir@yahoo.fr