Zara Ibrahim dite Alitane




Alitane

Le coeur d'Agadez

L'une des rares femmes diplômées de l'équivalent nigérien de l'ENA, Alitane, maire d'Agadez, commune de 100 000 habitants, gère sa ville avec rigueur et générosité. Son salaire, elle le distribue aux nécessiteux, quant à sa maison, elle reste toujours ouverte.

Elle est née vers 1960, dans le désert du Ténéré, au sein d'une famille de Touaregs. Quarante ans plus tard, elle préside aux destinées de la ville mythique d'Agadez, dont elle a été nommé maire il y a près de trois ans. Mme Ibrahim Zara el Hadj el Mamadou, dite Alitane, est venue à Paris suivre une formation sur la décentralisation à la Banque mondiale, et chercher des bienfaiteurs pour sa ville, carrefour caravanier depuis le premier millénaire avant notre ère.
Hiératique, vêtue et coiffée de parures sublimes, l'élue ne passe pas inaperçue. Derrière cette façade de féminité se cache une dame de fer, militante de toujours, au service de la cause féministe, syndicale puis touareg, au plus fort de la rebellion sanglante qui s'est achevée en 1996. Aujourd'hui, après des années de combat en faveur des minorités, elle assume le pouvoir au niveau municipal, sous la bannière de son nouveau parti, la CDS (Convention démocratique et sociale). Son ambition pour Agadez tient en trois obiectifs . " Une mairie modèle sur le plan de la gestion, une ville Propre, des perspectives de développement pour les femmes et les jeunes". Une partie de ce programme a été réalisée . les fonctionnaires sont payés, la corruption bannie, des aides extérieures ont été obtenues pour lancer le chantier d'assainissement de la ville. " Dans toutes les organisations où j'ai milité, on m'a toujours nommée trésorière ou commissaire aux comptes ", se souvient-elle tout sourire.
La cité de l'Aïr est la ville du Niger qui s'urbanise le plus vite. A l'image du pays, l'un des deux plus pauvres du monde, elle est confrontée à de cruciaux problèmes de dénuement, la désertification poussant vers la belle cité ocre toujours plus de nomades orphelins de leurs troupeaux. Agadez a bien rêvé d'un essor touristique mais l'aéroport fermé, pour cause de réfection des pistes, elle reste à quinze heures de voiture de Niamey.
Si les moyens financiers d'Alitane sont modestes, elle exerce le pouvoir avec fermeté et dans la concertation. La coalition hétéroclite de ses partisans réunit son oncle le sultan d'Agadez, les associations de femmes, les syndicats et les leaders de la communauté touareg. Sa popularité repose aussi sur son hospitalité . la porte de sa maison est toujours ouverte. Du matin au soir, elle écoute les doléances et les prières de centaines de pauvres, d'aveugles, de vieillards, venus quêter un service, une aide, quelques francs. Inlassablement, elle distribue son salaire de haut fonctionnaire en menus billets. La fortune, Alitane s'en moque. Se méfiant des dangers du pouvoir, elle a donné une consigne à toute la famille. " On continue de vivre comme avant, de manger la même chose, de s'habiller pareil. "Ainsi, lorsque tout s'arrêtera, elle n'aura pas à changer de train de vie. Sa fille unique, âgée de 20 ans, vit avec son mari. Mais madame la maire compte encore de nombreux parents à sa charge. Son logement de fonction, une grande maison de terre ocre, abrite plus de trente personnes. Le salon de réception sert aux hôtes de passage. Avec son mari (le troisième), Alitane s'est donc repliée dans la loge du gardien, seul refuge à son intimité, où la surprend parfois la nostalgie de la vie nomade.
Enquête Nathalie PREVOT
En 2004 des élections démocratiques ont élue ALITANE Première adjointe au nouveau maire d'Agadez
Elle est toujours aussi solidaire de la cause des femmes…